vendredi 1 novembre 2013

Comme une envie... #1

... de BD. Ou roman graphique ?

Je ne suis pas une grande connaisseuse de BD : le prix d'un tel livre me rebute souvent, bien qu'il soit amplement justifié au regard de la masse de travail que cela doit représenter ! Mais ça se lit aussi plus vite qu'un roman, d'où ma réticence à en acheter.
Pour autant, Le bleu est une couleur chaude me fait de l'oeil depuis, évidemment, la sortie de La vie d'Adèle. J'ai bien sûr très envie de voir le film, mais comme toujours, je tiens à lire les livres faisant l'objet d'une adaptation avant le film lui-même. Cela ne m'était jamais arrivé avec une BD, mais celle-ci m'a l'air particulièrement délicate : le titre intriguant, le noir et blanc, les touches de bleu, le trait de crayon à la fois brut et, selon moi, épuré... Tout m'attire dans cette couverture.
Le fait que l'auteur, Julie Maroh, n'ait même pas été remerciée lors de la remise de la Palme d'Or m'a particulièrement touché : j'aimerais réellement faire honneur à son travail en me procurant son livre.

Le meilleur des mondes - Aldous Huxley

Pocket / 300 pages / ◙◙
Brave New World, 1932

Cela va être particulièrement compliqué d'écrire sur ce livre, mais je vais essayer de faire au mieux. 

D'abord, j'aimerais simplement évoquer mon sentiment général sur ce livre, quoique mitigé : je l'ai trouvé à la fois ennuyeux (à lire) et passionnant (à analyser). Considéré comme le premier livre dystopique écrit, ce roman d'anticipation m'a beaucoup attirée par son aspect précurseur de célèbres sagas actuelles (dont Battle Royale ou Hunger Games). Je n'ai lu aucune de celles-ci mais souhaite m'y plonger très bientôt !

Qui dit dystopie dit contre-utopie : autrement dit, ce livre met en scène une société future organisée de manière à ce que la population ne peut atteindre le bonheur. Mais c'est là toute la complexité du livre : en effet, l'auteur nous dresse ici le portrait d'une société contrôlée de A à Z mais dans laquelle les habitants sont heureux. Du coup, est-ce bien une dystopie ? Et bien oui, car la population croit être heureuse mais nous, en tant que lecteurs, nous rendons compte du conditionnement qu'elle subit, dès l'état embryonnaire. 

En effet, la majeure partie du livre nous fait découvrir la manière dont cette société futuriste fonctionne : 
- manipulations embryonnaires destinées à créer des castes supérieures et inférieures : cette étape condamne une partie de la population aux tâches ingrates tout en leur faisant aimer "la destination sociale à laquelle ils ne peuvent échapper" ;
- éducation des bébés et enfants par l'hypnopédie, considérée comme "la plus grande force mobilisatrice et socialisatrice de tous les temps" : autrement dit, les enfants subissent des écoutes répétées de "leçons" pendant leur sommeil, leçons qui les poussent notamment à la surconsommation (et jamais au recyclage) ;
- abolition du concept de "famille" et de "monogamie" : ces concepts font même peur à la population. Personne n'a de "parents", chaque individu est conçu en lot par l'Etat dans des laboratoires et élevé dans des dortoirs géants. Les moeurs sont inversées puisque la polygamie est la norme tandis que les sentiments amoureux sont bannis et ne peuvent se développer du fait du conditionnement dans l'enfance.

Si tous ces points sont passionnants à découvrir, il n'en reste pas moins que les personnages principaux ont été pour moi une vraie torture à supporter. Lenina paraît creuse au possible et Bernard, au départ touchant, se révèle être d'une antipathie extrême. Pour autant, je continue de croire qu'il s'agit d'une volonté de l'auteur d'avoir créer des personnages destinés à ne pas susciter trop de sentiments, afin d'appuyer l'abomination d'une telle société. Abomination d'ailleurs renforcée par un troisième personnage beaucoup plus intéressant, John (un sauvage), qui offre un contraste étonnant entre un monde libre (à l'état de nature) et un monde aseptisé (sans aucune once de libre-arbitre).

Je conclurai simplement par l'épigraphe (en français même dans la version originale !) que l'on trouve au tout début du livre, et qui semble résumer ce que l'auteur a voulu transmettre par cet ouvrage, à savoir que la quête de l'utopie n'est peut-être pas ce qu'il y a de plus bénéfiques pour l'humanité : 
« Les utopies apparaissent comme bien plus réalisables qu’on ne le croyait autrefois. Et nous nous trouvons actuellement devant une question bien autrement angoissante : comment éviter leur réalisation définitive ?… Les utopies sont réalisables. La vie marche vers les utopies. Et peut-être un siècle nouveau commence-t-il, un siècle où les intellectuels et la classe cultivée rêveront aux moyens d’éviter les utopies et de retourner à une société non utopique, moins parfaite et plus libre. » Nicolas Berdiaev, philosophe russe expatrié en France, XIX-XX°s.
***

Les + : inventivité, objet de réflexions vis à vis de la modernité, de la technologie, mise en valeur des notions de famille et de bonheur (qui ne va pas sans le malheur)...
Les - : peu divertissant, longueurs, antipathie des personnages, atmosphère oppressante, perte de foi en l'être humain...